Pendant une décennie, nous avons entendu que les choses vont plus vite à l’hôpital, qu’on n’a plus le temps de rien… Le temps nous manque, certes, mais d’où vient ce sentiment paradoxal que tout s’accélère et que rien n’avance ? Les organisations de travail souffrent de mauvaises pratiques managériales et, plus que les conditions matérielles concrètes des agents, ce sont elles qui nuisent à la qualité de vie au travail. Frédéric Spinhirny reprend et poursuit son analyse de mars 2019(1) pour actualiser le sentiment d’accélération après les années Covid et les nouvelles aspirations au travail. Sa réflexion rappelle le phénomène d’accélération sociale comme étant le cœur des problématiques de souffrance au travail, de perte de sens et de manque d’adhésion au collectif. Mais il souhaite également ouvrir des perspectives sur le désir de temps retrouvé au sein même des services.
Les origines de l’accélération Augmentation de la vitesse d’un mouvement, exécution plus rapide d’une action, nous retenons généralement que l’accélération du temps vécu provient des mutations technologiques depuis la fin du 19e siècle. Mais c’est aussi un phénomène culturel, une évolution anthropologique plus profonde qui a conditionné ce nouveau mode de vie. Dans son étude sur le suicide(2), Émile Durkheim montre que la religion détenait un pouvoir de régulation et de contention sur les individus et leurs entreprises quotidiennes. Ce pouvoir temporel insistait sur la condition terrestre et matérielle, dont il fallait accepter l’ordre fixé, providentiel, parce que venant de Dieu. Dans cette même perspective, Peter Sloterdijk, dans Colère et Temps(3), analyse comment une institution collective détournait traditionnellement la colère des individus pour la placer dans une « banque », en dehors de la vie terrestre. Autrement dit, il a toujours existé des manières de promettre qui compensaient notre penchant naturel à entrer en colère et à agir violemment contre ce qui nous rend furieux. Ce paradigme religieux n’est pas le seul à ...
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