Détermination, égalité, inspiration et courage
Notre dossier de mai était consacré à « l’effet olympique », dépeint comme une opportunité d’établir le lien essentiel entre sport et santé. À l’issue des Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024, force est de constater que les hospitaliers ont été au rendez-vous et que l’image offerte au monde de l’organisation médicale française a été optimale. Il n’y a pas lieu d’être surpris de ces premiers constats, qui seront affinés et nuancés dans les mois à venir par les exercices de retours d’expérience que ne manqueront pas de mettre en Å“uvre les établissements impliqués dans cette aventure des Jeux. Les hospitaliers répondent toujours présents dans les circonstances exceptionnelles. Ils l’avaient démontré lors des attentats qui ont frappé la France, lors de la pandémie Covid… Cependant, l’exceptionnel, et les moyens et ressources qui l’accompagnent, ne doit pas faire oublier le quotidien et ses difficultés. Deux publications de tribunes le 5 septembre dernier dans Le Monde (1) sont l’illustration de vécus divergents entre les grandes structures métropolitaines et le reste du territoire en quête de services publics. Pendant que Paris, Marseille, Nice et les autres sites montraient leurs plus beaux atours (« Les hôpitaux publics ont accueilli tous les patients au cÅ“ur de l’été, touristes compris, dans les meilleures conditions »), la liste des services d’urgence fermés et régulés, des patients en attente prolongée ou transférés d’hôpital en hôpital s’allongeait sans que ce constat puisse être qualifié de « dramaturgie ». Les déserts médicaux et les inégalités d’accès au diagnostic et aux soins sont une réalité et la Fédération hospitalière de France ne manque pas de rappeler qu’un quart des établissements connaissent encore des difficultés sur l’ensemble des métiers pour les recrutements non médicaux (2). La fermeture des services publics crée ce que des auteurs qualifient de « sous-France » des zones désertées, où les habitants se sentent hors-jeu et humiliés. Les initiatives des établissements et des agences régionales de santé pour tenter de combler ces déficits fleurissent, à l’exemple des contrats d’allocation d’étude initiés en Normandie (3). Â
Après cette parenthèse enchantée, le retour sur terre sera cependant le même pour tous dans un contexte de déficits publics inédits. Les établissements publics de santé sont confrontés à des défis majeurs : gestion des capacités d’accueil, des finances dégradées, de la dette, baisse des marges financières et perte d’attractivité. La situation chez nos voisins européens est tout aussi préoccupante. Il convient cependant de ne pas noircir inutilement le tableau, car les hospitaliers disposent dans l’adversité des ressorts nécessaires pour s’adapter et rebondir, sous réserve de s’inscrire dans une perspective pluriannuelle tracée et assumée, loin de l’habituel confort de la procrastination. Le bilan que dresseront les 136 groupements hospitaliers de territoire (GHT), huit ans après leur création, lors de leurs premières Assises, à Lille les 14 et 15 novembre (4), sera déterminant. Parmi les signaux positifs figure l’intérêt maintenu des plus jeunes pour les métiers de la santé et du soin, comme l’illustre une enquête menée au niveau européen (5). Au sein des dix-huit secteurs d’activité proposés, celui de la santé et du soin est le troisième secteur professionnel le plus attractif (45 %) au niveau européen, derrière le luxe (51 %) et l’éducation (47 %).
La prise en compte des aspirations sociétales dans le management hospitalier (conciliation vie privée/professionnelle, conditions de travail, lutte contre les violences et les discriminations, remise en cause de comportements obsolètes…), la diversification des métiers et l’évolution de la place du patient participent aux changements attendus par les professionnels. Les articles que propose ce dossier illustrent ces évolutions et engagements : « des métiers qui font rêver », l’attrait des spécialisations, de l’encadrement, de la recherche, du management, l’esprit d’équipe… De fait, l’esprit des Jeux n’est pas loin et sans doute est-ce cet apport qu’il nous faut précieusement conserver au-delà de la liesse collective et des exploits individuels. Ces valeurs qui font vibrer et gagner, l’admiration suscitée par les athlètes paralympiques, qu’accompagne le monde de la santé, sont en effet bien celles que cultivent les hospitaliers dans leur quotidien pour faire vivre leur motivation : effort, engagement, professionnalisme, solidarité, compassion, progression, excellence, respect… Le Comité international paralympique a condensé les valeurs paralympiques en quatre mots clés : détermination, égalité, inspiration et courage. Les soignants les font leurs.
Jean-Michel Budet
Directeur de la rédaction
NOTES
(1) F. Crémieux, J.-L. Jouve, « Les hôpitaux publics ont accueilli tous les patients au coeur de l’été, touristes compris, dans les meilleures conditions », Le Monde, 5 septembre 2005 Collectif, « Le redressement des hôpitaux est une urgence sociale et politique », Le Monde, 5 septembre 2005 www.lemonde.fr
(2) T. Lidolff , « Services publics (6) : une sous-France de zones désertées » 2 octobre 2023 – metahodos.fr
(3) ARS Normandie, « L’agence régionale de santé Normandie lance la première campagne de contrats d’allocation d’études (CAE) à destination des étudiants en santé normands relevant de métiers en tension », 15 juillet 2024 – www.normandie.ars.sante.fr
(4) https://journees-ght.fr/programme
(5) Ipsos, « Pourquoi les jeunes Européens plébiscitent les métiers de la santé et du soin », 31 janvier 2024 – www.ipsos.com