L’hôpital public est, comme toute organisation moderne, le miroir des évolutions sociales récentes. Et donc profondément ambivalent. Au-delà de cela, son enracinement dans les principes fondamentaux du service public, la multiplication des problématiques spécifiques au secteur de la santé (richesses des métiers, structure hiérarchique, direction conjointe administratifs/soignants, importance des risques et des enjeux éthiques, confrontation à la douleur) fait de l’hôpital un lieu très complexe à observer et, a fortiori, à interpréter. Dans les deux premiers volets de sa réflexion (1), Frédéric Spinhirny a décrit dix conditions récentes qui affectent le travail hospitalier. En vérité, trois d’entre elles gouvernent plus particulièrement les métamorphoses des rapports sociaux depuis le XXe siècle : le nouvel individualisme, la formalisation théorique et le rapport au temps. Elles constituent en quelque sorte des conditions a priori des nouvelles conditions de travail. C’est la cause du malaise actuel car, sans limites, ces conditions se contredisent ou entrent en conflit avec les pratiques traditionnelles du soin. Mais est-ce un phénomène nouveau ? Et s’il est question d’un système global qui a évolué, et que nous devons accepter, comment agir concrètement ?
« Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre. » Spinoza Un environnement ambivalent et complexe Les textes classiques annonçaient déjà nos nouvelles conditions de vie. En 1919, Max Weber, dans Le Savant et le Politique, parle de « désenchantement » dû à la progression de la rationalité instrumentale, qui affaiblit la croyance et le spirituel parmi nos références intellectuelles : « Faisons-nous une idée claire de ce que signifie pratiquement la rationalisation par la science et par la technique […]. Il n’y a donc en principe aucune puissance imprévisible et mystérieuse qui entre en jeu et que l’on peut en revanche maîtriser toute chose par le calcul. Cela signifie le désenchantement du monde. » Dans La Condition de l’homme moderne (1961), Hannah Arendt présente quant à elle la modernité à travers trois événements : la découverte de l’Amérique (annonce d’un monde connu et fini), la Réforme protestante (comme principe de croyance individuelle en dehors des autorités catholiques traditionnelles), et l’invention du télescope (domination de la science sur la superstition). Elle questionne ...
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