Nous entendons régulièrement que les choses vont plus vite à l’hôpital, qu’on n’a plus le temps de faire… Le temps manque, certes, mais d’où vient cette impression paradoxale que tout s’accélère et que rien n’avance ? Certaines études démontrent que les organisations de travail souffrent de mauvaises pratiques managériales et que, plus que les conditions matérielles concrètes des agents, ce sont elles qui nuisent à la qualité de vie au travail. Frédéric Spinhirny traite ici du phénomène d’accélération sociale comme étant le cœur des problématiques de souffrance au travail, de perte de sens et de manque d’adhésion au collectif.
Augmentation de la vitesse d’un mouvement, exécution plus rapide d’une action, l’accélération ne réduit pas la distance entre un point A et un point B, ni entre un commencement et un achèvement, mais uniquement le temps d’y parvenir, jusqu’à faire oublier cette distance même. La force de l’accélération réside dans cette légère élévation au-dessus des distances, géographiques ou morales, comme une libération de l’inertie de la gravité, un petit déracinement de l’ancrage archaïque qui lie l’individu au cycle naturel des choses. Et cela modifie profondément notre rapport au monde et notre présence aux autres. Si nous retenons généralement que l’accélération du temps vécu provient des mutations technologiques depuis la fin du XXe siècle, il apparaît qu’une évolution anthropologique plus profonde a conditionné ce nouveau mode de vie. Dans son étude du suicide(1), Emile Durkheim montre que la religion détenait un pouvoir de régulation et de contention sur les individus et leurs entreprises quotidiennes. Ce pouvoir temporel insistait sur la condition terrestre et matérielle, dont il fallait accepter l’ordre fixé, ...
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