Depuis une vingtaine d’années, la chirurgie bariatrique s’est imposée en France comme l’un des moyens privilégiés de lutte contre l’obésité morbide. Cette chirurgie, reflet d’une médicalisation croissante du social, est avant tout justifiée par les opérateurs par l’amélioration de la santé des personnes et les réductions des coûts de santé associés à l’obésité. Qu’en est-il toutefois du vécu des patients et de leurs motivations dans le recours à cette intervention ? Une équipe de sociologues de l’université de Montpellier, en partenariat avec le service de chirurgie digestive du CHU de Montpellier, a conduit une série d’entretiens avec des patients obèses quelques semaines avant leur opération. Yann Beldame, anthropologue, revient sur quelques-uns des résultats de cette recherche(1).
Dans votre recherche, vous insistez sur la médicalisation croissante de l’obésité. De quand date et comment explique-t-on cette transformation des corps obèses en problème de santé publique ? Pour expliquer l’avènement de la chirurgie bariatrique, il faut en effet comprendre comment l’obésité a été constituée comme problème de santé publique, méritant donc une prise en charge par la médecine. Un des premiers objectifs de l’anthropologue ou du sociologue est de déconstruire et de dénaturaliser des catégories, comme l’« obésité », pour révéler leur historicité, montrer qu’elles n’ont pas été toujours là et qu’elles ne vont pas de soi. Certaines personnes refusent d’ailleurs aujourd’hui d’entrer dans ces catégories d’obèses ou de personnes en surpoids, s’inspirant du mouvement Fat Activism né aux États-Unis dans les années 1960. C’est au sein de ce mouvement que prennent racine les fat studies, qui vont analyser la discrimination basée sur le poids en mettant en avant le vécu des personnes fat et en montrant comment la grossophobie s’articule à d’autres rapports de pouvoir, comme ceux liés à la classe, au ...
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