Pour Jean-Pierre Lebrun se pose la question de la direction aujourd’hui dans les institutions : comment faire une institution, non plus comme un établissement – un lieu où rien ne peut bouger et où les échanges sont figés par ce qui est prescrit –, mais à partir d’un collectif, d’un vivre ensemble entre êtres de parole ? Quelle voie frayer qui ne soit pas pur et simple rétablissement de l’autorité d’hier mais qui, en revanche, reconnaisse la différence des places et ne dénie pas l’impossible auquel elle nous met en demeure de nous confronter ? Jean-Pierre Lebrun est l’auteur, entre autres, de l’ouvrage « Clinique de l’institution. Ce que peut la psychanalyse pour la vie collective » où il rend compte de son parcours dans la vie des groupes, de la clinique qu’il y a rencontrée et de la façon dont il s’est appuyé sur son travail d’analyste pour faire face au concret des situations.
Diriger engage celui qui s’y emploie à tenir une place spécifique. Quelle description pouvez-vous faire de la spécificité de cette place ? Cette place a la particularité de devoir veiller à ce que la tâche collective se réalise, s’effectue, aboutisse à ses fins. Elle a donc, d’une manière différente de toutes les autres places, la responsabilité de l’ensemble ; c’est pour cela que je l’ai appelée « place d’exception » sans qu’il n’y ait là rien d’exceptionnel à l’occuper. Mais celui qui l’occupe est soumis autrement à la division, toujours entre le singulier et le collectif. Chacun vit cette division peu ou prou dans l’exercice de sa fonction, mais ce n’est que pour celui qui dirige que c’en est le pain quotidien. Du lieu de cette place, il s’agit donc chaque fois de mesurer ce qui se passe au jour le jour avec, comme boussole, la valeur de telle action, de tel comportement pour l’action collective. Il n’est dès lors pas difficile de saisir que cette place a besoin de s’appuyer sur une légitimité reconnue par tous sans pour autant être tributaire de ce « tous ». Il faut que celui qui dirige fasse prévalence ...
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