De prime abord, on pourrait penser que la critique de l’accélération des rythmes dans nos vies est l’apanage des grandes villes, conformément à ce que la sociologie classique nous a enseigné. Mais tout bien considéré, l’expérience du temps n’est pas uniforme et dépend de plusieurs facteurs qu’il nous paraît important d’exposer à travers un récit professionnel concret. Il y a ainsi notre propre rapport au temps et, surtout, les conditions extérieures qui façonnent ce rapport. À ce titre, l’expérience géographique de l’exercice professionnel ressemble à une succession de zones temporelles différentes, de périodes successives où le temps s’écoule et s’éprouve
différemment. Dans le ressenti du travail en groupement hospitalier de territoire présenté ici, les rythmes ne sont pas vécus de la même manière, que l’on travaille au CHU ou dans un établissement périphérique, ou médico-social. Ou que l’on travaille entouré de managers impatients ou, à l’inverse, capables de ne pas diffuser leurs urgences sur le reste de l’équipe. Une fois n’est pas coutume dans Gestions hospitalières, cet article expérimental ne cherche pas la précision de la science, mais bien l’approche prudente de ce que la qualité de vie au travail signifie de nos jours.
Le temps comme vécu personnel Il faut s’accorder sur un point primordial : le temps est l’une des conditions essentielles (avec l’espace) de toute expérience physique et il est appréhendé différemment en fonction du vécu de chacun. On a tous à la fois peur d’en manquer dans certaines situations et peur d’en avoir trop ; on aime ou on déteste attendre. On en consacre aux autres, ou on en vole aux autres. On se laisse submerger ou on le maîtrise. L’analyse des caractères souligne l’importance de la constitution physiologique et du parcours biographique dans l’appréhension du rapport au monde(1). Cette part involontaire de soi se développe bien évidemment à travers nos relations au travail. D’aucuns ne supportent pas d’attendre des résultats, ne serait-ce que des réponses à des mails, en ressentent une grande frustration et, par conséquent, exercent un mode de management centré sur le contrôle de la chaîne de décision et le reporting. D’autres s’évertuent au contraire à trouver du temps pour les autres, à faciliter et à simplifier les tâches quotidiennes, comme autant de marges de manœuvre et d’autonomie pour concrétiser ce ...
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