Nous pouvons tous faire l’analyse du passage d’une économie marquée par l’ère industrielle à une économie de service et de l’innovation par le service. Nos quotidiens sont émaillés de ces services nouveaux qui façonnent nos déplacements, nos repas, nos loisirs, nos modes de communication, notre bien-être et notre santé. Cette évolution, qui concerne la plupart des secteurs d’activité, se caractérise par un double mouvement : la recherche de services évolutifs et innovants qui viennent simplifier la vie de l’usager et l’adoption de nouvelles pratiques managériales et comportementales, ce qu’il est convenu d’appeler une « culture de service ». Les services publics ne sont pas restés à l’écart de cette évolution : ils sont au contraire l’un des secteurs les plus créatifs en la matière.
C’est de cette évolution dont nous avons voulu rendre compte dans ce dossier, mobilisant aussi bien les regards d’enseignants-chercheurs que ceux de professionnels issus de métiers différents, et donc de cultures différentes. Ainsi, les collectivités territoriales tout d’abord, comme l’illustrent ici les cas du Grand Lyon et du conseil général de l’Isère, ont dû s’adapter aux défis de l’attractivité des territoires et d’une demande croissante pour des services publics locaux répondant aux évolutions de nos modes de vie, dans le domaine de la mobilité notamment. Pour reprendre les mots de Caroline Richemont, du Grand Lyon, « les démarches de modernisation des services publics impliquent désormais de prendre en compte des perceptions, représentations, attentes ou préférences des bénéficiaires pour faire évoluer les offres existantes ou en développer de nouvelles… Sans pour autant remettre en cause le principe d’égalité de traitement propre au service public ».
La Poste offre elle aussi l’illustration d’une mutation silencieuse. La tâche n’était pourtant pas simple : administration parmi les plus anciennes – fondée par Louis XI –, dont l’image n’était pas nécessairement synonyme de modernité il y a dix ans, confrontée à la complexité de gestion de 11 000 bureaux sur le territoire… Pourtant, les résultats sont aujourd’hui tangibles. Les évolutions à l’œuvre au sein d’Aéroports de Paris mettent également en lumière ce mouvement général qui place la « culture de service » et l’innovation par le service au centre de la transformation des entreprises qui conservent un ADN administratif et technico-industriel encore très profond. Sans remettre en cause tous les acquis de ce dernier, il s’agit d’en assurer l’évolution, en lien avec un environnement mouvant et des attentes qu’il convient d’écouter, de comprendre et de prendre en compte.
Dans quelle mesure ces exemples peuvent-ils inspirer l’hôpital ? Comment celui-ci aborde-t-il ces transformations ? C’est tout l’objet de ce dossier dont le parti pris est d’abord d’« ouvrir » sur d’autres secteurs d’activité et d’autres métiers dont on s’apercevra peut-être qu’ils ne sont pas si éloignés que cela du service public hospitalier… Les organisations progressent en sortant de leurs frontières pour rencontrer d’autres professionnels, proches ou lointains. Gageons que, très vite, ces services publics et ces entreprises viendront vers l’hôpital pour voir comment il innove dans son champ de contraintes et comment il développe la culture de service qui lui est propre.