Lorsqu’on entend à longueur de journée que les hospitaliers ont perdu le sens de leur travail, cela peut nous faire penser à une vieille notion religieuse : l’acédie. Dans les catégories de maux qui frappent les humains, l’acédie se range parmi les maladies de l’âme, c’est une pathologie spirituelle. Cet assèchement de l’âme est lié à un désinvestissement. Ce qu’on désinvestit, ce n’est pas tant un objet en tant que tel, par exemple la prière régulière pour un moine, que l’idée même de l’importance capitale de cette prière. Progressivement, le moine se met à négliger(1) l’ensemble de ses pratiques, comme s’il avait perdu la foi. Et nous, hospitaliers ?
Acédie, le découragement des altruistes Cette notion est historiquement associée au moine anachorète qui n’arrive plus à investir dans l’ascèse, qui ressent soudainement l’effort comme inutile et pénible. L’effort des moines était dirigé d’abord vers le retrait du monde et des hommes (hésychia), mais ceux-ci devaient aussi parvenir à chasser les pensées impures qui souillent l’âme en suscitant encore les passions. L’idéal ascétique est donc l’« apathie » (l’absence de pathos). L’acédie est une des mauvaises pensées mais qui n’est rattachée à rien de précis : c’est un mal détaché de l’objet, un mal-être difforme, sans nom. L’acédiaste ressent le temps comme figé et scrute l’absence de mouvement, insupportable à sa nature sensible et donc muable ; il combat péniblement le mal diabolique qui le sépare progressivement de la volonté de retrait elle-même. Il devient dégoûté des tâches et des autres, de leur ascèse même, de leurs efforts vains. L’acédie, c’est la maladie de l’homme désinvesti ; ce n’est pas la perte de l’objet à investir, mais la « perte du désir d’investir lui-même », ...
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