Dans de nombreux débats de bioéthique, la question du corps est cachée en évidence. C’est que le corps, en dépit de sa matérialité immédiate, n’est pas si facile à saisir. Il est une réalité complexe à comprendre. Absolument concret dans l’expérience que nous en avons, il est profondément abstrait dès que nous le mettons en mots, dès que nous l’évoquons dans un débat. Il est un corps objectif, composé d’os, de muscles, de nerfs, de vaisseaux, qui, dans toute sa concrétude, est objet de médecine, d’interventions chirurgicales, de manipulations ; il est connaissable à travers un discours scientifique et constitue le support de la vie biologique. Ce corps pris en charge par la science, la médecine et la technique est aussi un corps vécu, expérimenté, ressenti(1), pensé, rêvé, phantasmé, aimé, détesté ; c’est le corps d’une personne, un corps intime, un corps dont on prend soin et qui reflète une biographie unique. Il est à la fois le véhicule et le produit d’une trajectoire de vie. Au confluent de ce corps-objet et de ce corps-sujet, c’est, enfin, à un corps socialisé(2) que nous avons affaire : un corps pris dans un ...