Diagnostic et prescriptions
Il ne faut rien de moins qu’une loi budgétaire pour mettre d’accord les fédérations. À peine les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale étaient-ils connus qu’elles publiaient un communiqué commun (1), sous l’égide de la Fédération hospitalière de France, affirmant que « la santé ne peut être sacrifiée sur l’autel de la compensation du déficit des caisses de retraite ». Elles y regrettent que « les mesures très court-termistes des pouvoirs publics visant à compenser les déséquilibres des caisses de retraite au travers de l’Ondam aboutissent à préempter des financements normalement destinés à répondre au défi de l’évolution démographique et épidémiologique ».Â
Car le monde hospitalier est inclus dans le mouvement d’efforts visant à résorber le déficit et l’endettement publics.Â
Ces conséquences pour le financement de la santé de la dégradation des comptes publics sont l’objet du premier article de ce dossier, dans lequel Karim Amri insiste tout à la fois sur la situation préoccupante des finances publiques françaises et sur l’urgence d’adopter des mesures correctives pour garantir la pérennité des établissements de santé français et leur capacité à répondre aux besoins croissants de la population.
Comme en écho, Denis Abeille revient sur l’outil phare du financement hospitalier : la tarification à l’activité (T2A). Il rappelle son historique, les espoirs portés par ses créateurs, et souligne qu’une partie seulement du chemin a été parcouru.
La T2A est aujourd’hui vivement critiquée. Elle apparaît aux yeux de certains comme le cheval de Troie d’une gestion néolibérale de l’hôpital. C’est cette critique, d’un système hospitalier soumis aux impératifs néolibéraux, que nous avons voulu interroger, en montrant que l’hôpital public, de par sa place dans le système sanitaire français, son financement, son organisation, ses règles ou encore sa gestion, est bien loin d’un cauchemar ultralibéral.
Cela ne signifie pas que rien ne doive changer. Plusieurs articles en témoignent, comme celui d’Ivy Mouchel, qui émet plusieurs propositions pour mieux investir à l’hôpital public. Il plaide notamment pour sortir l’investissement des paramètres de la T2A et fabriquer un compte national sur l’investissement immobilier hospitalier public.
Antoine Alary, de son côté, évalue l’incitation au changement issue la réforme du financement de la psychiatrie pour les établissements publics de santé mentale. Il y montre notamment que si l’incitation à réorienter l’offre de soins apparaît faible, à paramètres de la réforme constants, les possibilités ouvertes par l’introduction de nouveaux concepts de financement imposent un suivi attentif des développements à venir.Â
Eric Lartigau, Sophie Beaupère, Sandrine Boucher et Jeanne Bertrand, pour leur part, consacrent un article à la réforme du financement de la radiothérapie, et plaident pour une juste valorisation de la complexité des traitements comme du soutien indispensable à l’innovation, notamment à la radiothérapie adaptative qui va permettre d’aller encore plus loin en termes de précision des traitements.
Certaines réformes ont déjà des conséquences sur les directions hospitalières. Le mémoire de Vincent Nolibois, ancien élève directeur d’hôpital, a reçu le prix Graph 2024 du mémoire EHESP. Son article est tiré de ce travail de réflexion, où il étudie les récentes évolutions juridiques et organisationnelles qui redéfinissent les relations entre ordonnateurs hospitaliers et comptables publiques, ainsi que leurs impacts sur la gestion des établissements publics de santé et les perspectives qui en découlent.
Deux démarches initiées en centre hospitalo-universitaires (CHU) sont par ailleurs présentées : d’une part, celle du CHU d’Angers, décrite par Cécile Jaglin-Grimonprez et Nicolas Riffet-Vidal, sur l’intéressement, fondé sur une méthode conciliant approche qualitative et quantitative, dans le cadre d’un dialogue de gestion personnalisé et contractualisé, pour entretenir et développer une activité de recherche propre à chaque service.
D’autre part, celle, explicitée par Barbara Flieller et Justine Paté, du CHU de Nancy, qui a redéfini la chaîne admission/facturation/recouvrement, dans une logique de culture qualité, au point d’obtenir une certification ISO 9001 en 2022.
Enfin, un dernier article recense un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le financement de la qualité des soins dans les établissements de santé. Ce rapport liste les dispositifs actuels et leurs limites, et émet différentes propositions pour leur redonner un caractère incitatif.
Ces différents articles montrent qu’au-delà du caractère préoccupant des finances publiques et hospitalières, des solutions existent pour retrouver des marges de manœuvre. Certaines nécessitent une impulsion des pouvoirs publics, d’autres sont d’ores et déjà déployables au sein de chaque établissement. Aux directions hospitalières maintenant de s’en saisir, en n’oubliant pas que ces actions ont aussi pour objectif de redonner du sens aux équipes.
Pierre de Montalembert
Frédéric Spinhirny
Rédacteurs en chef associés Gestions hospitalières
Note
(1) FHF/FHP/Unicancer/Fehap, « PLFSS 2025 : la santé ne peut être sacrifiée sur l’autel de la compensation du déficit des caisses de retraite », comuniqué de presse, 8 octobre 2024. www.fhf.fr