Un consensus s’est établi en France pour dire que la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 a été une crise organisationnelle plus que sanitaire. Mais qu’est-ce qu’une « crise organisationnelle » ? Le sens de ce qualificatif reste ambivalent et confus. On imagine que les acteurs en jeu ont été « désorganisés ». Ou que les organisations en charge de la gestion de crise ont dysfonctionné. Mais comment définir ce qui aurait dû être un fonctionnement correct dans une situation de crise inédite ? Et selon quels standards juger de la qualité de l’organisation mise en place ? Une plus grande coopération entre les acteurs aurait-elle produit d’autres décisions pour de meilleurs résultats ? Comment trouver l’organisation idéale, permettant de faire face à toutes les crises, quelles qu’en soient la nature, la durée et les raisons profondes ?
C’est à l’ensemble de ces questions que les sociologues Henri Bergeron, Olivier Borraz, Patrick Castel et François Dedieu tentent de répondre en esquissant des hypothèses pour comprendre la nature et l’origine des dysfonctionnements décriés par les médias et l’opinion publique. En reprenant et en rassemblant de façon argumentée quelques réflexions et premiers résultats d’observation et d’enquête parus dans la revue en ligne AOC, les auteurs aident le lecteur à prendre de la distance critique, en retraçant l’enchaînement des décisions prises par l’exécutif entre janvier et juillet 2020, c’est-à -dire entre les réactions aux premiers signaux d’alerte internationale et la fin du premier confinement généralisé de la population française(1).Â
Au fil des trois chapitres qui structurent ce court texte, quelques éléments se dessinent pour permettre une première analyse systémique à chaud d’une gestion de crise qui interroge le fonctionnement de l’État. Le premier constat est que l’exécutif a préféré s’appuyer sur des organisations nouvelles et temporaires qu’il a créées ad hoc (la plus emblématique étant le Conseil scientifique, auquel se sont ajoutés le Comité analyse recherche expertise (Care) puis une suite de missions d’audit et de conseil confiées à des personnalités ou à des task forces, cellules, groupes, centres interministériels) plutôt que de solliciter les déjà très nombreuses structures préexistantes et qui auraient dû l’être statutairement (comme la Haute Autorité de santé, le Haut Conseil de la santé publique, l’Agence nationale du médicament ou Santé publique France et ses cellules régionales, voire la Cellule interministérielle de crise). Ce foisonnement d’organisations, résultat d’une « extravagante créativité organisationnelle » (p. 10), a certes permis au président de la République et au premier ministre d’être en prise directe avec ...
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