Les soignants font depuis longtemps du développement durable : leur engagement obstiné pour la vie et leur exigence « du bon soin, au bon moment, dans le bon programme, pour la bonne personne », de « la frugalité des soins », sont des éléments éthiques et téléologiques fondamentaux. Néanmoins, à l’heure de la révolution verte, de l’élargissement du périmètre de la santé à l’alimentation et l’environnement, des révisions de lois de bioéthique et de lois de gouvernance nouvelle, le classique primum non nocere à l’égard du développement durable est-il suffisant ? Par ailleurs, la santé, grâce à ses approches socio-économiques, industrielles et professionnelles éprouvées, ne peut-elle pas rendre opérationnels la RSE ou le développement durable dans d’autres secteurs ? La conscience du respect de la vie, l’exigence continue et individuelle de maîtrise professionnelle des soignants ne doivent-elles pas se diffuser ailleurs ?
Au XIXe siècle, la construction de la tour Eiffel démontra la capacité de nos ingénieurs à maîtriser la matière. Aujourd’hui, l’enjeu n’est plus seulement pour eux de tripler la hauteur de la tour Eiffel. De la même manière que l’on conçoit aujourd’hui des bâtiments, des distributions de biens et services à énergie nulle, voire positive, s’est-on demandé si l’activité d’un parcours de santé, prise dans sa globalité (consommation de ressources matérielles et humaines, production de soins) était à énergie nulle, positive, voire négative ? L’activité de soins (la pratique clinique) apparaît par là même consommateur d’énergie et de ressources, producteur de déchets et source importante de pollution, dans un contexte de ressources et de compétences rares. À long terme, l’établissement de santé nuirait-il davantage qu’il ne « répare » ? L’enjeu pour nos médecins, nos ingénieurs et nos administrateurs en matière de santé est d’être capables de traiter à la fois la blessure de la plus petite cellule (l’infiniment petit) et celle de l’organisation du système médico-psychosocial (l’infiniment grand) ...
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