Il y a dix ans, Gestions hospitalières fêtait ses 50 ans par la publication d’un numéro 500 « collector ». Il était tentant de renouveler plus modestement ce travail de mémoire et de prospective à l’occasion de la parution du numéro 600. Le comité de rédaction s’est donc attelé à cette tâche dans le contexte si particulier de la pandémie Covid-19, contexte lui-même propice aux états des lieux et grandes remises en cause. En effet, comme l’exprime si bien le doyen Jean Sibilia(1) « après un évènement de cette ampleur, l’heure est aux comptes […] et aux grandes envolées pour imaginer le monde de demain. […] Ce besoin irrésistible de bilan répond à une […] utopie qui est de croire à l’effet citrouille d’une baguette magique de la transformation ». Nul doute que cette pandémie aura des effets leviers et accélérateurs sur l’évolution de notre organisation hospitalière et sanitaire, mais les fondamentaux et déterminants qui en sont le socle demeureront avec leurs constantes. Le changement s’inscrira dans cette continuité que 60 années de contributions de la revue ont accompagnée et partagée. Car nous vivons toujours pour l’hôpital sur les fondations posées par les ordonnances de 1958 (temps plein médical, CHU…), la formation des directeurs d’hôpital en 1962, pour la solvabilité du système de santé sur la création en 1945 de la sécurité sociale portée par le Conseil national de la résistance, socle sur lequel est bâti le modèle social français.
Bien sûr, ces grands textes réformateurs ne sont pas intervenus en terrain vierge et s’inscrivent eux aussi dans une grande continuité historique, depuis le rattachement municipal de l’hôpital du 16 vendémiaire an V en passant par la loi du 30 juin 1838 sur la psychiatrie. Cela ne suit pas toujours un long fleuve tranquille et sans soubresauts, mais la continuité s’opère tôt ou tard. Ainsi, les postulats généreux d’assistance sociale posés par la Constituante et la Convention ont pu être rapidement remis en cause par la réaction thermidorienne. Mais les longues listes de donateurs et de bienfaiteurs qui couvraient les murs hospitaliers ont fini par s’éteindre dans les années 1930 avec l’apparition des assurances sociales, même s’il a fallu attendre 1945 et la création de la sécurité sociale pour retrouver l’ensemble des avantages sociaux prévus dès 1793 et 1794 (2). La loi du 21 décembre 1941, complétée par le règlement d’administration publique du 17 avril 1943, a été la première tentative d’organisation de l’hôpital moderne et la confirmation de sa médicalisation. Il fallut ensuite attendre le 12 novembre 1968 pour engager la voie de l’autonomie des universités et le 31 décembre 1970 pour voir consacrée l’organisation hospitalière.
Le chemin est long, chaotique mais continu.
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Jean-Michel Budet
Directeur de la rédaction, Gestions hospitalières
(1) Th. Nobre (dirigé par), L’Hôpital pendant la Covid-19 : innovations, transformations et résilience. Les leçons des professionnels de santé du Grand Est et d’ailleurs, EMS Management, octobre 2020, postface p.460.