Comme tous les ans, Gestions hospitalières consacre un dossier aux rapports publiés dans l’année, traitant des questions hospitalières et de santé, notre « marronnier » de décembre que nous souhaitons aussi flamboyant que le marronnier rouge qui fleurissait sur la tombe des Gardes suisses tués lors de la journée du 10 août 1792, dans les jardins des Tuileries à Paris.Â
L’année 2020 n’aura pas été marquée par un ralentissement de la production de rapports impliquant l’hôpital, bien au contraire. La pandémie Covid-19 est venue conforter une production déjà inflationniste, certains profitant du temps disponible offert par les périodes de confinement, d’autres y trouvant une nouvelle légitimité d’expression. La santé est même devenue un objet central de réflexion, dans un temps qualifié par le philosophe André Comte-Sponville de « panmédicalisme(1) », cette idéologie qui en ferait la valeur suprême.
Les choix opérés dans cette forêt de rapports se veulent, à défaut d’exhaustivité, représentatifs des préoccupations qui marquent l’hôpital : la pandémie, d’abord, qui a exacerbé le débat sur les moyens hospitaliers et le droit à la santé, puis les réformes annoncées ou attendues (gouvernance, GHT, dépendance, fonction publique) et enfin les fondamentaux financiers, pour un temps oubliés derrière le « quoi qu’il en coûte » conjoncturel.
Il aurait été aussi possible, en sortant du champ purement hospitalier, d’analyser le rapport de l’Ifrap(2) sur la suradministration de la santé ou encore celui de l’Assemblée nationale sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Covid-19 ou la toute récente étude de l’institut Montaigne sur la santé mentale face à la crise(3), mais la liste serait longue.Â
Aux habituels rapports commandés ou initiés par les corps d’inspection de l’État, les services de statistiques et d’études, les hauts conseils, la Cour des comptes, le Conseil économique et social et environnemental (CESE), le Parlement, la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), les think tanks, les cabinets de conseil, les fédérations professionnelles… viennent donc s’agréger des nouveaux venus. Après une année 2019 fortement marquée par la construction de la feuille de route « Ma santé 2022 », le temps est désormais à la fois aux retours d’expérience et à la refondation d’un système de santé, dont la pandémie a révélé et exacerbé les limites. Le temps est aussi aux expressions citoyennes, sur le principe de la Convention citoyenne inscrite dans le prolongement de l’avis émis en mars 2019(4). Dans cet avis, le CESE propose notamment l’organisation de « deux conférences annuelles, dédiées à l’évaluation de politiques publiques déterminées et intégrant une vision de long terme [avec] des personnes tirées au sort ou sélectionnées aléatoirement sur la base de critères de représentativité, cette conférence constituant ainsi une modalité nouvelle de participation citoyenne ».
Sans s’arrêter plus longuement sur les sempiternelles questions de l’utilité et de l’usage des rapports(5), il convient de constater que de nombreuses interférences apparaissent dans la production des rapports mettant en cause les fonctions traditionnellement dévolues aux uns et aux autres et les cloisons qui faisaient leur marque de fabrique. La question de la légitimité des auteurs est aussi posée, ou tout au moins de leur place dans le dispositif d’élaboration du droit ou plus simplement d’évaluation des politiques publiques : pouvoir législatif, réglementaire, autorités administrative, judiciaire confrontés désormais à l’intervention citoyenne fondée sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789(6). En effet, évaluer est aussi important que légiférer et la galaxie des évaluateurs doit être considérée comme une richesse sous réserve d’échanges sur les programmes et méthodologies de l’évaluation. C’est dans ce sens que le Conseil d’État a formulé 20 propositions pour mieux évaluer et utiliser réellement les évaluations dans la délibération démocratique et l’action publique(7).Â
Ainsi relégitimée, la production de rapports a donc un bel avenir et notre marronnier continuera à fleurir.
Jean-Michel Budet
Directeur de la rédaction
(1) M.-F. Hazebroucq, La Folie humaine et ses remèdes. Platon, Charmide ou de la modération, Vrin, 1997.
(2) www.ifrap.org
(3) www.assemblee-nationale.fr
(4) www.lecese.fr
(5) « Assez de rapports, des médicaments » communiquait en juin 2020 France Assos à propos de la pénurie chronique de médicaments. www.france-assos-sante.org
(6) Art. 6. « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. » – tnova.fr
Douze ans avant la Convention citoyenne pour le climat, l’association Sciences citoyennes « théorisait » la convention de citoyens – sciencescitoyennes.org
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