Numéro 603 - février 2021(dossier)

Financement, qualité et parcours patient

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La pandémie Covid aura contribué à ériger pendant près d’une année une digue destinée à protéger les acteurs de santé comme l’ensemble des Français des conséquences économiques et financières des mesures de confinement sur le fondement du principe du « quoi qu’il en coûte » édicté par le président de la République le 12 mars 2020(1). Ainsi, les établissements hospitaliers, soumis depuis plusieurs années à des plans successifs d’économies (estimés 11,7 milliards sur dix ans), à des restructurations, recompositions et optimisations sur fond de déficits(2), d’endettement et de faible capacité d’autofinancement après l’extinction des plans Hôpital 2007/2012, ont dû faire face brutalement à une vague d’hospitalisation non programmée mobilisant des moyens supplémentaires non disponibles et excluant les activités programmées sur lesquelles s’étaient fondés leur modèle économique et leurs organisations. Déjà, la prise de conscience des limites à la fois de la politique du rabot, de la pression financière (gel de crédits, baisse des tarifs), du modèle de tarification à l’activité (T2A) et de l’insuffisance du niveau d’investissement avait conduit le gouvernement, notamment dans le cadre du programme « Ma santé 2022 », à rechercher de nouvelles voies et à desserrer l’étau : plan d’urgence pour l’hôpital de novembre 2019(3), décision de reprise partielle de la dette des hôpitaux à hauteur de 13 milliards d’euros de 2021 à 2034, pistes ouvertes pour sortir du tout T2A par le rapport Aubert(4). Les perspectives de sortie de la pandémie laissent cependant entrevoir un contexte économique et financier qui remettra les questions de maîtrise de dépenses de santé et d’équilibre des comptes sociaux au cœur des préoccupations tout en assumant les impacts des mesures salariales du Ségur de la santé estimés à 8,2 milliards d’euros par an pour revaloriser les métiers des établissements de santé et des Ehpad(5). L’atterrissage sera donc difficile après cette parenthèse qui a pu laisser croire à plus de liberté et à une gouvernance partagée. La question de la soutenabilité financière sera centrale face à la croissance qualitative et quantitative des coûts, car les fondamentaux conduisant à la hausse des dépenses de santé seront toujours présents : population vieillissante, demande d’une prise en charge individualisée, arrivée de traitements personnalisés, innovations dans le diagnostic, en immunologie, thérapie génique, régénération cellulaire, cancérologie…

Comment garantir un système financier solidaire et universel dans ce contexte ? Si la pandémie a conforté la valeur santé et fait d’un système de santé robuste et solidaire un atout économique, elle n’a pas manqué de questionner la solidarité intergénérationnelle et de mettre en lumière l’impact de l’accroissement des inégalités. La voie vertueuse vers le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale et la simple disparition de la Caisse d’amortissement de la dette sociale – instaurée en 1996, qui devait s’éteindre en 2024 mais a vu sa durée de vie proroger jusqu’en 2033, voire plus – se sont soudainement heurtées à la pandémie, tout cela sur fond de baisse des ressources issues des cotisations sociales et provocant un déficit estimé par le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale à 50 milliards d’euros pour 2020(6).

Il est clair que le modèle de rémunération des professionnels et établissements, fondé sur une rémunération à l’acte adaptée à la prise en charge d’épisodes aigus, devra être fondamentalement repensé pour répondre à ces défis mais aussi aux évolutions des parcours de soins, qu’il s’agisse de pathologies chroniques ou aiguës.

Souhaitons que ces épreuves autorisent enfin à sortir des silos qui caractérisent notre système de santé afin de permettre un accès à un parcours de soins fluide et gradué, en ville et à l’hôpital, et donc à des soins de qualité et appropriés. Les écueils à éviter seront nombreux et il conviendra surtout de simplifier, responsabiliser, décloisonner… 

Ce numéro 603 s’inscrit dans cette démarche responsable de recherche permanente des moyens d’améliorer la qualité, faire progresser l’équité et accroître l’accessibilité par le partage d’expérience(7).

Jean-Michel Budet
Directeur de la rédaction


(1) www.franceculture.fr

(2) 660 millions d’euros fin 2018 (Cour des Comptes, rapport sur la sécurité sociale 2019).

(3) Ce plan prévoit un financement supplémentaire de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, la reprise par l’État d’un tiers de la dette hospitalière, un taux de progression de l’Ondam hospitalier à 2,5 % vs 2,1 %.

(4) « Réformes des modes de financement et de régulation : vers un modèle de paiement combiné » – www.vie-publique.fr

(5) solidarites-sante.gouv.fr

(6) www.securite-sociale.fr 

(7) The Commonwealth Fund novembre 2020, rapport sur la réforme du système de paiement aux USA. www.commonwealthfund.org