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Numéro 602 - janvier 2021(dossier)

Covid-19, et après

Temps de lecture : 4 minutes

Dans un contexte de sommet de la deuxième vague de la pandémie Covid-19, avec 33 466 hospitalisations(1) le 16 novembre 2020, le ministère de la Santé publiait des recommandations pratiques destinées aux professionnels de santé afin de préserver les capacités d’hospitalisation et de mieux répartir la prise en charge des patients au sein du système de santé(2), tirant ainsi les leçons de la première vague. 

Ce numéro de Gestions hospitalières se veut être le reflet des premiers retours d’expérience et de la continuité assurée malgré tout d’une vie hospitalière qui se poursuit avec ses problématiques et évolutions.

Six contributions des acteurs de terrain viennent illustrer et documenter ces expériences et les leçons à en tirer. Elles portent sur :

  • l’adaptation et la coopération de secteurs spécialisés dans d’autres domaines pour à la fois assurer leur mission première et répondre solidairement à l’urgence épidémique, et ainsi limiter autant que faire se peut les retards de prise en charge et autres pertes de chance. Encore hésitante lors de la première vague, la coopération public/privé est devenue plus naturelle avec un souci d’anticipation et de répartition négociée des activités pour faire face aux nouvelles mises en tension des capacités d’accueil et de prise en charge. La montée en puissance des régions au-delà de leurs compétences institutionnelles en réponse à une opérationnalité de l’État jugée défaillante constitue un évènement qui alimentera inévitablement le débat déconcentration/décentralisation et sur la gouvernance du système de santé. À cet égard, il faut noter l’initiative de la région ÃŽle-de-France d’engager un programme massif à 10 millions d’euros(3) pour doter sous trois semaines les établissements de santé publics et privés de 500 lits de réanimation modulables et former 1 500 infirmiers à même de constituer une réserve de compétences ;
  • le soin et l’attention qui doivent être apportés à des professionnels de santé fortement éprouvés, tant physiquement que psychologiquement. Ces professionnels un temps applaudis quotidiennement, honorés le 14 juillet puis par l’attribution massive de décorations dans le secteur de la santé et du médico-social (3 884 personnes distinguées dans les deux ordres de la Légion d’honneur et du mérite, 63 % des nouveaux décorés le sont au titre de leur engagement dans la lutte contre le Covid-19, dont 34 à titre posthume pour les promotions du 14 juillet 2020 et du 1er janvier 2021, sachant que suivra l’attribution de la médaille de l’engagement face aux épidémies, créée en 1885 et prochainement réactivée), nécessitent, au-delà de la reconnaissance par les honneurs et revalorisations salariales, un accompagnement spécifique et attentif dans la durée ; 
  • les tensions en matière d’approvisionnement qu’ont dû affronter les établissements notamment dans le domaine des médicaments indispensables en réanimation et les solutions trouvées. Cette situation dramatique lors de la première vague a conduit l’État via l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à centraliser l’achat de 10 molécules jugées prioritaires à répartir entre les établissements. Pénuries de dispositifs, de moyens de protection, de médicaments ont mis au grand jour la forte dépendance de la France et la nécessité de mesures correctrices de réindustrialisation avec un investissement annoncé de 600 millions d’euros(4).
  • les modalités de pilotage mises en place au plan opérationnel dans les hôpitaux, fondées sur des formes de cogestion et de coopération ouvrant la voie à des modalités de gouvernance renouvelée entre gestionnaires et soignants qui devront s’inscrire dans la durée ;
  • la mobilisation des compétences pour adapter les organisations et continuer à répondre aux urgences sanitaires en mobilisant au mieux l’ensemble des acteurs, un décloisonnement public/privé, ville/hôpital appelé à ouvrir de nouvelles modalités de prise en charge des patients et à revisiter la conception de notre système de santé et de son pilotage ;
  • l’utilisation des données de santé pour piloter en temps de crise inaugure l’usage opérationnel qui peut être fait de ces données en routine dans la gestion des établissements et ouvre de nouvelles perspectives. À cet égard, la pandémie aura conduit à déverrouiller les freins et résistances au déploiement de la télémédecine, à favoriser l’usage des applications de l’e-santé et des datas sans atteindre l’explosion de ces usages constatée en Asie et notamment en Chine(5). Le livre blanc « Pour un patient maître de ses données de santé », publié le 12 janvier 2021 par deux think tanks, le Cercle Prévention et santé et le Club numérique et territoire, vient à point nommé alimenter la réflexion(6).

La pandémie impacte et impactera donc fortement l’hôpital et l’ensemble du système de santé à court, moyen et long termes, et les importantes réformes attendues, pour la plupart mises en sommeil(7), devront être revisitées à l’aune de ces retours d’expérience, même si des fondamentaux demeurent comme le montrent les autres contributions de ce numéro portant sur l’attractivité, la qualité de vie au travail, les modes de financement de l’activité, la fonction publique, le service social. Annoncée en septembre 2018 par le président de la République, la stratégie « Ma santé 2022 » proposait « une vision d’ensemble et des réponses globales aux défis auxquels est confronté le système de santé français » (inégalités dans l’accès aux soins, aspirations chez les professionnels à mieux coopérer entre eux, à disposer de davantage de temps pour soigner leurs patients et à être formés autrement), mesures qui ont commencé à être déployées. Les évènements survenus depuis un an bouleversent les agendas et les contenus.

Jean-Michel Budet
Directeur de la rédaction


[covid-19]

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[décryptage]

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[jurisanté]

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