Le 18 janvier 1994 était promulguée la loi 94-43 qui attribuait au service public hospitalier les soins dispensés aux personnes incarcérées tout en leur reconnaissant un droit à une qualité de soins équivalente à celle offerte à toute personne libre. Cette réforme devait constituer « une véritable révolution sanitaire dans le milieu pénitentiaire » (1). Si l’avancée a été réelle, l’application des objectifs de la réforme n’a cessé de se heurter à de nombreuses difficultés, notamment liées aux conditions, ainsi qu’au mode d’organisation et de fonctionnement de cet univers de contraintes si particulier qu’est la prison. Quinze ans après le vote de la loi, force est de constater que l’écart demeure patent entre une situation de droit et une situation de fait. À partir des années 1990, après une longue période d’immobilisme, la prison s’est ouverte sur l’extérieur et suscite aujourd’hui davantage l’intérêt, comme le montre la très récente loi pénitentiaire, attendue depuis fort longtemps. Peut-on espérer enfin que soit exaucé le vœu émis en l’an 2000 par l’Assemblée nationale (2) : citoyen libre ou citoyen détenu, « la garantie des droits est la même, le détenu n’étant privé que de sa liberté d’aller et venir » ? L’auteur s’est entretenu avec Michel Vaujour (3), détenu vingt-sept ans dans différents établissements, avant de réfléchir à l’incompatibilité entre soins et détention née de la loi 1994.
Entretien avec Michel Vaujour Quels soins médicaux avez-vous reçus au cours de votre incarcération ? J’ai pris une balle dans la tête, en 1986, après une évasion. Là , je suis resté pas mal de temps à l’hôpital de Fresnes, après avoir été à l’hôpital civil, à Beaujon. À l’hôpital civil, j’ai eu l’opération, quelques soins infirmiers, un peu de kiné. Ensuite, à l’hôpital de Fresnes, je n’ai eu aucun soin ; j’étais en cellule, sans aucun soin. J’avais deux comprimés par jour, des barbituriques censés éviter l’épilepsie puisque le cerveau était lésé. Mais comme je craignais que cela ralentisse mon fonctionnement cérébral, je les ai arrêtés. Je n’ai jamais eu de crise d’épilepsie, sauf bien plus tard, lors d’une grève de la faim. Vous étiez hémiplégique et vous n’avez eu aucun soin ? Rien du tout, absolument rien. Le médecin me parlait de sécurité quand moi je lui parlais de rééducation ! Je l’ai trouvé très intéressant comme médecin, vraiment très intéressant ! Je voulais bien qu’on me parle de sécurité, mais en tant que paralysé ! C’est pourquoi j’ai pensé que l’administration ...
Identifiez-vous ou créez un compte si vous ne l'avez pas encore fait. Cela vous permet de :
- Lire la suite des articles gratuits (marqués d'une puce verte).
- Lire la suite des articles payants (marqués d'une puce rouge).
Pour les abonnés, pensez à bien renseigner dans votre profil votre numéro d'abonné pour activer la lecture des articles payants.