Numéro 557 - juillet 2016dossier

RĂ©flexion

La maladie comme crise et comme critique

La maladie comme crise et comme critique

Que l’expérience de la maladie soit vécue comme une crise dans l’expérience du sujet, cela semble aller de soi. Par tout ce qu’elle remet en cause, ce qu’elle bouleverse dans la présence à soi et au monde, les relations aux autres, les capacités à se projeter, à entrer en contact, à maintenir les liens, la maladie est effectivement puissance de séparation ou tout au moins de dé-liaison : elle fragilise – quand elle ne les détruit pas – les liens qui unissent le sujet à autrui, elle défait le tissu des relations amicales, professionnelles, sociales. Mais elle est aussi, comme le dit bien l’étymologie du mot « crise », une puissance de division qui opère au sein même du sujet, dans son intimité, faisant de lui un être dédoublé : elle l’éloigne de son corps souffrant dans lequel il ne se reconnaît plus. Éloignement paradoxal puisque ce corps dont on aimerait pouvoir se défaire est précisément celui qui, par la force de la douleur, nous convoque sans nous laisser le luxe de la distance.

Dans l’imaginaire collectif comme dans la littérature, la crise de la maladie est souvent comparée à la guerre (1). Vécue sur le mode de la guerre intérieure, du combat intime, la maladie se décline souvent en termes de combat : une guerre contre soi, contre une partie de soi, contre la maladie en soi. Faire la guerre à la maladie, se représenter en lutte contre un ennemi permet parfois de mobiliser des forces, notamment psychiques, qui peuvent aider à la guérison. Cette image est souvent sollicitée dans le discours collectif pour encourager le malade « à se battre ». Mais cette partition intime entre « bon » et « mauvais » soi, entre « bonne » et « mauvaise » vie en soi (alors même que la maladie est aussi un phénomène naturel du vivant) est parfois plus clivante qu’unificatrice. En ce sens, la maladie est bien une crise et non pas une guerre. Non pas un combat contre soi, mais l’expérience d’une division qu’on espère surmonter. Ce sentiment de division intime est également renforcé par certaines désignations, notamment celles opérées par l’approche médicale du corps malade. Il faut dire aussi la crise ...

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